La dissolution des groupes ultras : un pas de plus vers la restriction de la liberté d’association ?

Mardi 2 avril 2025, à la suite d’un avis négatif de la commission consultative concernant les dissolutions de deux associations de supporters de football de l’AS Saint-Etienne, Magic Fans et Green Angels, le ministère de l’Intérieur Bruno Retailleau indique accorder un sursis aux deux groupes ultras et abandonner la procédure de dissolution à leur encontre. Néanmoins, cette procédure lancée est un nouveau pas vers un phénomène bien plus global.

Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a cosigné une circulaire appelant à davantage de sévérité pour prévenir les débordements dans les stades de foot. | AFP

Créée par la célèbre loi de 1901, la liberté d’association a valeur constitutionnelle depuis une décision du Conseil Constitutionnel de 1971. Cela lui permet d’obtenir la capacité juridique morale. Ainsi, elles peuvent être autonomes et leur création n’est pas soumise à validation administrative ou judiciaire. Nonobstant, comme toutes personnes disposant de cette capacité juridique, elles sont tenues de respecter la loi. Ainsi, pour celles ne respectant pas la loi, une dissolution en conseil des ministres peut-être actée par décret, souvent à l’initiative du ministère de l’Intérieur, dont une des prérogatives principales est le respect des lois.

Or, depuis quelques années, nous avons pu voir une nette augmentation des demandes de dissolutions d’associations par le gouvernement.

La mise en danger d’un droit fondamental ?

En 7 ans, on a eu autant de dissolution qu’en 38 ans – Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de Droit Public

La très forte augmentation des dissolutions d’association interroge. Stéphanie Hennette-Vauchez, professeure de Droit Public, rappelle que sous le mandat d’Emmanuel Macron, “entre 2017 et 2023, il y a eu autant de dissolutions qu’entre 1970 et 2015. En 7 ans, on a eu autant de dissolution qu’en 38 ans”. Cette augmentation peut s’expliquer par la mise en place de plusieurs lois dont le but était de faciliter la dissolution et éviter la prolifération des associations islamiques radicales, notamment après la vague d’attentat de 2015. Mais elles ne furent finalement pas les seules confirmées. L’exemple de la dissolution des Soulèvement de la Terre décidée par Gérald Darmanin (même si cette dernière avait finalement été annulée par le Conseil d’État) avait fait grand bruit. Dans les faits, les associations d’ultradroite, d’ultragauche ou d’écologisme radicale sont de plus en plus visées. Si les risques de troubles à l’ordre public sont caractérisés, de manière plus ou moins honnêtes, la dissolution ne représente pas toujours une solution efficace. Comme le rappelle Stéphanie Henette-Vauchez “en réalité, quand on dissout une association, ce qu’on a observé dans l’histoire, c’est qu’elle se reconstitue sous d’autres formes”.

Le cas épineux des groupes ultras

Le cas des groupes ultras en France s’annonce complexe. Ces dernières années, de nombreux événements ou images ont pu choquer (ASSE-Auxerre 2022, OM-OL 2023, finale de la Coupe de France OL-PSG 2024) et le recours à la violence de ce groupe pourrait légitimer une procédure de dissolution. Néanmoins, beaucoup privilégient la mise en place de sanctions individuelles plutôt que collectives. C’est notamment le cas de Pierre Barthélemy, l’avocat de l’ANS (association nationale des supporters) pour qui “déstructurer ne fera qu’amplifier le problème”. 

C’est notamment ce qui était arrivé à Paris. Après plusieurs incidents, le ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, avait décidé en 2008 de dissoudre les Boulogne Boys. Cette procédure avait réduit à néant les dialogues avec les autorités sans pour autant empêcher aux principaux coupables de violences de rentrer dans le stade. Cela avait conduit en 2010 à la mort de Yann Lorence, ancien membre des Boulogne Boys, lors d’affrontement avec le Virage Auteuil, l’autre gros groupe de supporters parisiens.

Le phénomène de dissolution d’association interroge donc sur l’équilibre à trouver entre sécurité et liberté d’association, d’autant plus lorsqu’il s’agit de groupes Ultras. L’argument de sécurité publique à outrance peut à terme, créer plusieurs conséquences imprévues et rompre le dialogue avec les interlocuteurs définis au détriment d’individualités sans contrôle, mais aussi alarmer sur une bascule autoritaire restreignant une liberté pourtant fondamentale.

Emile Raimbault et Alban Tchitembo

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