Shein : la fast fashion poussée à son paroxysme

L’annonce a fait polémique : Christophe Castaner, ancien ministre de l’Intérieur, a été nommé conseiller responsabilité sociétale des entreprises (RSE) au sein d’un comité régional de Shein. Ce n’est pas anodin car cette entreprise chinoise, spécialisée dans le textile, tout comme C&A, Kiabi ou Primark, s’inscrit dans la tendance de l’ultra fast fashion.

(Lien de la datavisualisation ci-dessus)

Shein est sujette à beaucoup de controverses : conditions de travail qui ne respectent pas les droits humains, rémunérations insuffisantes ou encore impact environnemental important.

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Plusieurs enquêtes journalistiques (Channel 4, association Publiceye…) ont démontré que les employés ont des horaires de travail excessifs, subissent une pression au rendement très forte, travaillent avec des normes de sécurité légères (absence de sorties de secours, fenêtres grillagées, portes verrouillées…) et reçoivent des salaires très bas. A tout cela s’ajoute le fait qu’ils n’ont qu’un seul jour de congé par mois. Toutes les cases du non-respect des droits de l’homme sont cochées. Dénoncer ces abus signifie prendre des risques importants pour les salariés chinois : ils ne possèdent pas de droit à la liberté d’association. Certains militants syndicaux ont d’ailleurs été emprisonnés. De plus, l’entreprise utilise du coton cultivé dans une région au nord-ouest de la Chine, où un demi-million de Ouïghours y sont détenus et exploités. D’ailleurs, toute son activité se concentre dans son pays d’origine.

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En 2023, les ouvriers chinois travaillant pour Shein ont gagné entre 6000 et 10000 yuans par mois (soit respectivement 700 et 1200 euros). Ces montants sont inférieurs aux seuils de subsistance recommandés par les organisations internationales. Pire, un système de sanctions financières exacerbe leur précarité : des amendes, pouvant atteindre jusqu’à deux tiers du salaire journalier, sont infligées même pour des erreurs mineures. Ces conditions de travail précaires permettent à Shein de maintenir des coûts de production dérisoires, alimentant son offre de vêtements à quelques euros seulement.

Face à ces prix ultra-bas, les entreprises européennes peinent à survivre. Des commerces locaux ferment, incapables de rivaliser avec une stratégie agressive combinant promotions fictives et publicités mensongères – des méthodes contraires à la législation française sur la consommation. De plus, Shein exerce une pression importante sur ses sous-traitants chinois. Ces derniers, contraints d’accepter des tarifs toujours plus bas, rognent sur les salaires et les conditions de production pour préserver leurs marges.

Au cœur de ces logiques ? Le modèle Shein : un renouvellement ultra-rapide des collections, avec des milliers de nouveaux articles mis en ligne quotidiennement. Cette surproduction, présentée comme une réponse à la demande, masque en réalité des coûts sociaux et environnementaux colossaux : pollution, gaspillage textile, et épuisement des ressources. Pourtant, ces externalités ne figurent pas sur les étiquettes des produits vendus à prix cassé.

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En plus d’être le plus gros émetteur de CO₂ dans le domaine de la fast fashion, les émissions de Shein dépassent parfois celles de certains pays, comme en 2023 : 16,68 millions de tonnes de CO2 ont été générées par l’entreprise, soit deux fois plus que les émissions annuelles du Paraguay cette année-là (8,254 millions de tonnes de CO2). Son utilisation massive de polyester contribue à la pollution plastique, et les déchets textiles générés par ses pratiques de surproduction aggravent la crise écologique. La marque, leader de la fast fashion, intensifie donc la pollution de l’industrie textile.

Pour répondre à ces controverses, Shein a lancé plusieurs initiatives. Elle a par exemple inauguré sa plateforme de seconde main en juin 2024, Shein Exchange. L’objectif annoncé était de prolonger la durée de vie des vêtements. Sauf que son volume de production est toujours aussi important, ce qui ne change rien à la pollution que cela créer. A ce propos, Donald Tang, le président exécutif, a défendu leur modèle de production à la demande, affirmant qu’il permet de limiter les invendus et de réduire les déchets. Cela n’empêche pas l’entreprise d’être accusée de greenwashing.

En 2023, Shein a invité six influenceuses américaines à venir visiter ses installations et constater les bonnes conditions de travail des employés, dans une tentative de transparence. Cependant, cette opération de communication a fait scandale, notamment sur les réseaux sociaux, les internautes dénonçant l’écart entre le discours tenu, très positif, et la réalité, plus sombre.

Il est possible d’émettre des doutes quant à la sincérité de l’entreprise, notamment parce qu’elle avait affirmé par le passé avoir amélioré les conditions de travail de ses salariés, ce qui n’a pas été fait en réalité. Shein n’a pas fini d’être ciblée par les défenseurs des droits humains et de l’environnement.

Jeanne BOBIN, Maëlle LEBRUN et Jean MOUSSEAU

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